mercredi 24 avril 2024
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Interview : Taieb JELLOULI

Décorateur, réalisateur et producteur, Taieb JELLOULI est dans le métier depuis plus de trente ans. Il est le premier décorateur tunisien à avoir été nominé au césar en l’an 2000 pour les décors du film « Peut-être » de C. KLAPISH. Il a participé à « Pirates » de POLANSKI en tant qu’Ensemblier en chef, au film « Le Patient Anglais » d’Anthony MINGHELLA  comme Set Dresser. Taieb est le chef Décorateur du film « Madame Butterfly » de Fréddéric et de « Hors la loi » de Rachid BOUCHAREB. Il a participé à de grandes superproductions comme « La guerre des Etoiles » de Georges LUCAS. Il a participé à beaucoup de films tunisiens et a réalisé quatre courts métrages dont « Chrétiens de Tunisie ». Taieb a été aussi producteur exécutif sur le film « Ce que le jour doit à la nuit » d’Alexandre ARCADY.

Question 1.

Dans le registre avant c’était, et ce n’est plus maintenant, Taieb JELLOULI, parlez-nous du secteur du cinéma

T.J. : Je pense que le cinéma tunisien a joué un rôle dans l’évolution de notre société comme catalyseur d’une liberté tant voulue et surtout comme précurseur d’idées nouvelles et égalitaires. Dans son ensemble, le cinéma tunisien a été en avance pour poser les problèmes sociétaux. Le public tunisien avide de ses propres images a toujours été au rendez-vous de ce cinéma et a ainsi contribué à son essor.

Question 2.

Quel est le rôle que le cinéma aurait pu, ou aurait dû jouer pour aider à une bonne transition, et qu’il n’a pas joué ?

T.J. : Je ne pense pas que le cinéma aurait pu ou dû jouer un rôle direct dans la transition. L’influence du cinéma sur les masses n’est jamais instantanée. Le cinéma est un excellent moyen de propagande politique et idéologique, or ce n’est pas le cas de notre cinéma qui est beaucoup plus une expression individuelle qu’une arme d’agitation et de propagande.

Question 3.

Taieb JELLOULI, quelle est la place de la culture dans notre pays ? Et quels sont les états généraux de notre jeunesse ?

T.J. : En Tunisie, la culture est l’enfant pauvre de notre système parce que l’on a toujours sous-estimé son rôle essentiel dans le développement du pays. Moins de 1 % du budget de l’Etat lui est consacré, et dont les trois quarts servent à payer les fonctionnaires du ministère, c’est dire ! Or, la culture est un facteur de développement économique, c’est aussi ce qui fait notre identité, notre spécificité qui est attaquée de partout par la globalisation et l’american way of life, par l’intégrisme rampant qui marque des points quotidiennement. Si nous ne défendons pas notre spécificité, notre culture sera à coup sûr victime de ces deux menaces. La culture immatérielle est la première menacée de disparition si nous ne faisons rien pour la protéger et la préserver. Quant à notre jeunesse, elle est confrontée à un problème immédiat qui est le chômage qui l’attend à la sortie de l’école ou de la faculté. Le chômage est le produit d’un système éducatif défaillant auquel nos gouvernants n’ont pas encore trouvé de solution. Ajoutez à cela le manque de perspectives et l’absence de rêves. Les jeunes ont besoin d’idéologie pour s’exprimer, pour se réaliser ; et ce qu’ils affrontent, c’est le capitalisme sauvage, la loi du marché, la religion et son expression la plus rétrograde : l’intégrisme ! Il faut vite donner à notre jeunesse du rêve, une vision d’un avenir meilleur dans un pays où il fait bon vivre.

Question 4.

Regardons vers l’avant Taieb JELLOULI, parlez-nous d’avenir, comment vous le voyez, comment vous le rêvez ?

T.J. : Je suis fondamentalement optimiste et je pense que la Tunisie a tous les atouts de son côté pour s’en sortir. Nous sommes onze millions d’âmes en Tunisie, c’est à peine un arrondissement municipal de SHANGAÏ. Notre pays a suffisamment de richesses pour nous faire vivre décemment. Ce qui nous manque c’est le rêve, la vision, le programme et le leadership qui nous conduira vers ce bien être pour tous. Il faut oser rêver d’une Tunisie au niveau des pays scandinaves où la bonne gouvernance est de mise et où le bien-être du citoyen est le maître mot. Osons rêver, osons entreprendre !

Question 5.

Vous avez créé une association pour réaliser un de vos rêves, et qui pourrait être un rêve national, mais le financement tarde à venir, malgré les bénéfices à deux chiffres que réalisent nos banques, c’est quoi au juste ce projet ?

T.J. : Un de mes rêves était la construction à l’identique d’un bateau carthaginois du IIIème siècle avant J.C. et d’en faire un musée flottant où les enfants de Tunisie et de Méditerranée découvriraient la civilisation carthaginoise. Je voulais donner un motif de fierté à nos jeunes, nous réapproprier des techniques de construction navale et de créer un pôle touristique et culturel sur le site choisi pendant les années de construction du bateau. Pour cela, j’ai créé avec un groupe d’amis l’association Hannibal le Grand ! Pendant plus de deux ans nous avons parcouru les bureaux des ministères du tourisme, de la culture, de l’aménagement etc… Nous avons dû faire face au refus des archéologues, à l’immobilisme de l’administration, à la bureaucratie qui, pour vous fournir un papier, elle vous en exigeait dix autres. Finalement devant ce rempart infranchissable, nous avons baissé les bras. Notre beau projet est dans les boites d’archives pour le moment. Dommage, une grande synergie aurait pu naître autour de ce projet.

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