vendredi 19 avril 2024
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LES MEDIOCRES ONT PRIS LE POUVOIR

Par ZOUHAIR BEN JEMAA

« Notre époque n’a plus le luxe de se faire conduire à la petite semaine par les médiocres qui dominent », Alain DENEAULT dans « La Médiocratie », livre qui m’a inspiré pour cette chronique !

Dans ce livre attachant, A. DENEAULT décrit par le menu détail comment la religion d’entreprise, la publicité, et l’hypocrisie deviennent un formidable motif de manipulation : aujourd’hui, on revendique le respect de l’environnement, la nourriture du terroir pour avoir bonne figure, mais grâce à la pub, on largue l’huile de palme via des produits symboles comme la NUTELLA, qui est devenue la drogue des grands et des petits malgré ses 18 % de cette huile prouvée cancéreuse !

A force de vouloir ratisser large en pratiquant la pêche aux voix, les politiques des deux extrêmes se sont retrouvés unis dans la même crevasse appelée l’extrême centre. Dans cette ambiance délétère, nous avons vécu à nos dépens le rapprochement contre nature entre RG et BKE, mariage qui nous a fait perdre cinq ans de développement. Pire encore, et comble de l’hypocrisie, ENNAHDHA a appelé de grandes figures RCD pur sucre pour venir défendre l’Islam politique, toujours au nom de la vicieuse appellation « ETTAWAFEK ».

Tous les extrêmes font faillite, mais les vautours qui brassent l’argent sale sans limite s’arrangent toujours pour composer avec les acteurs du moment comme des journalistes vendus, la société civile manipulée, des députés corrompus et même parfois des scientifiques peu soucieux de l’éthique. Le député en arrive à la conclusion dans ce système véreux, que la fidélité à ses convictions est synonyme de mort politique, alors soit il est marginalisé, soit il plonge dans la corruption matérielle et intellectuelle, d’où notre vécu de Mercato parlementaire. Dans le lexique des gouvernants, nous vivons en direct le cas de notre chef de gouvernement qui ne cultive aucune conviction sur rien pour être disponible aux compositions de circonstance, et qui avance avec des œillères vers un chemin sans issue s’asseyant sur les intérêts de la Patrie !

DENEAULT explique que la principale compétence d’un médiocre, c’est de reconnaître un autre médiocre pour agrandir le cercle et rendre plus puissant encore tout le clan. Et à force de chapeautage, de passe-droits, de complaisance et de collusion, ces médiocres coiffent les institutions et finissent par conquérir tout le pouvoir presque à leur insu ! Alors ne nous étonnons plus de voir un système éducatif délabré, une culture de violence et de haine, une santé publique en déliquescence, un citoyen sans protection, des médicaments qui ne sont disponibles que pour les riches. Tout est devenu commerce, tout est sous le joug de l’argent sale, il n’y a plus de place pour la culture, pour les soins de proximité, pour l’éducation, pour le développement régional. La recherche est au service des grands laboratoires privés et non plus de l’humanité. Nous vivons un monde où les faux experts pullulent, où les puissants propriétaires des médias font passer leurs choix via des journaleux médiocres, et évincent les esprits qui ne veulent pas participer à la duplicité !

La vaste machine du profit pousse certains scientifiques qu’on croyait à jamais humanistes à publier de fausses études dans les plus grands magazines spécialisés, et ceux qui respectent l’éthique sont montrés du doigt. Aujourd’hui, force est de constater que les compétents, les intègres et les diplômés ont mal à leurs diplômes, ils se sont retrouvés dans un système mafieux où les incultes sont aux postes de commandes ; gouvernance, partenariat, société civile ne sont que des slogans clinquants qui servent à avoir tous les centres de décisions sous leur contrôle. Dans ce registre, un dialogue sociétal qui a duré six ans pour pondre un superbe livre blanc est resté lettre morte par tous les ministres qui se sont succédés. La commission qui s’est penchée sur la loi des droits du patient et qui pendant quatre ans, et grâce aux efforts conjugués de plusieurs spécialistes dans divers domaines, a abouti à une proposition qui garantit au patient tous ses droits et qui permet également au corps médical de travailler dans la sérénité, chose essentielle pour tout le monde, et bien cette loi traine dans les placards de l’assemblée depuis belle lurette. Ce n’est pas étonnant quand on sait que bon nombre de députés n’ont pas le niveau intellectuel pour comprendre le contenu du rapport de cette commission, sans parler de l’hypocrisie d’une fraction des lobbies de la santé privée qui défendent mordicus leurs bas intérêts.

Il n’y a pas de domaine où la médiocrité sévit avec autant d’aplomb que dans la politique. L’oligarchie ne surfe que grâce à la corruption, la duplicité et la médiocratie. Les cupides, les oligarques et les médiocres ont endetté le pays jusqu’à la moelle, ils ont appauvri le peuple, ils ne vivent plus que pour les coups tordus pour augmenter leurs portefeuilles immobiliers et financiers. Il est triste de remarquer que la banque mondiale et le FMI ne soient pas très intéressés de connaître le destin des crédits accordés ! La révolution qui avait révélé une vague de changements structurels, a vu les nouveaux politiques accompagner de près cet objectif pour que rien ne change. Quand la gouvernance déraille, quand les méfaits des institutions financières concourent à la faillite des peuples, quand les escrocs quittent le pays les poches pleines, il ne faut plus s’étonner que le citoyen perde totalement confiance en son gouvernement et en ses institutions. Il ne faut plus s’étonner que l’Etat chute et perde la main pour gouverner, il ne faut plus s’étonner que des leaders politiques appellent à la désobéissance civile ! Nous en sommes arrivés après dix ans de révolution et pour la grande majorité des Tunisiens, à la conviction que tant que RG manœuvre avec ses complices, il n’y a aucune chance pour que notre société puisse s’établir.

Gouvernance, état de droits restent des slogans que nous mettons systématiquement entre guillemets. Le comportement des gouvernants a rendu inévitable l’anarchie qui pointe à l’horizon. Le constat final est que les normes ne sont pas gérées par les peuples, mais ce sont les peuples qui sont gérées par les normes. Et la seule question qui vaille reste la suivante : Est-il encore temps de faire bouger le curseur de la norme vers le curseur de l’exigence ?

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