jeudi 18 avril 2024
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Plongeon dans la nuit d’un Hôpital

Par Zouhair BEN JEMAA

Professeur Béchir HAMZA fait partie de cette élite dont la Tunisie sera toujours fière, et ce serait dommage de ne pas suivre les pas de ces aînés prestigieux et dévoués à la médecine ! La bonne foi, la bonne volonté et l’application de la loi suffiraient amplement pour entamer l’amélioration de notre système de santé. Visiter l’hôpital d’enfants Béchir HAMZA de nuit nous confirme, si besoin était, que le personnel médical subit un stress impitoyable sans rapport avec la profession de médecine. L’agression est rentrée dans cet hôpital, comme dans tous les établissements de santé de Tunisie, avec aisance, les insultes, les menaces et même les agressions physiques deviennent monnaie courantes, et nos responsables ne devraient pas perdre une seconde pour prendre les mesures qui s’imposent, appliquer la loi et assurer la sécurité à tout ces vaillants commis qui veillent sur la santé des citoyens. Par un soir qui semblait être ordinaire, plus de cent cinquante personnes bondent une salle d’urgence qui a du mal à tenir, car, les deux tiers au moins de ces malades n’avaient rien à faire dans un centre d’urgence, ce sont des fausses urgences qui pouvaient être traitées dans tout établissement de première ligne bien équipé ; deux infirmiers pour gérer tout ce beau monde surexcité, quatre médecins dont trois en première année, d’internat et de résidanat, vivant leur première garde aux urgences pédiatriques ; autant dire qu’ils sont là pour apprendre, mais apprendre quoi quand il n’y a aucun sénior et quand tout est de travers ? Quand les parents exigent d’accompagner leur malade à plusieurs ? Quand ces parents se pointent en dehors des horaires fixés par le règlement intérieur de l’hôpital pour rendre visite à leurs malades ? Quand c’est tous les jours le même rythme, et tous les ans les mêmes maladies à la même époque ? Quand un résident en stage arrive dans un service dont l’échographie fœtale est en panne pendant toute la durée de son stage, ce qui prive le résident de la pratique dans le domaine ? Quand on s’oblige à mettre jusqu’à trois enfants dans le même lit par manque de places ? Ou pire, quand on est cloitré sur une chaise à ventiler à la main toute la nuit un patient intubé, par manque de place en réanimation ? Quand on vit en permanence un manque d’effectifs médical et paramédical ? Quand les soignants vivent sous la menace d’une insécurité galopante ?

Nous devrions évaluer les performances de ces hôpitaux « politiques » dans les régions qui tournent à vide, qui manquent drastiquement de spécialistes, et qui bloquent des budgets qui seraient tellement bénéfiques à nos hôpitaux agonisants en raison des besoins urgents qui leur sont nécessaires pour faire de la recherche et des travaux scientifiques de qualité, pour donner un enseignement de qualité ? Le seul pouvoir que vous ayez messieurs les politiques est celui de vos actes ! Preuve que le service public est capable de lever la tête, le service de réanimation pédiatrique polyvalente est digne d’une vraie clinique, on sent la gorge serrée d’émotion tant c’est en très bon état malgré une capacité ne répondant pas aux besoins de tout le nord tunisien (14 lits). Mais hélas, la satisfaction s’arrête là, car on est vite rattrapée par la fébrilité du personnel dans les autres services, par la mauvaise organisation du service d’urgence et son manque insupportable de matériel, par la gestion au jour le jour de notre système de santé sans vision d’ensemble, et par les changements trop fréquents de ministres qui plombent toute stratégie tant nécessaire à ces citoyens qui se saignent les veines pour supporter les compléments de leurs soins  et ceux de leurs progénitures ! Il y a à l’évidence un problème de gouvernance de notre système de santé, une administration pléthorique avec une bureaucratie lourde et une corruption de plus en plus prospère ! Il est grand temps de changer de cap, de cesser d’évoquer le manque de moyens, et de se contenter d’appliquer la loi, et seulement à ce moment là, les réformes pourraient être faites !

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A propos de Zouhair BEN JEMAA

Expert en art culinaire et en hôtellerie. Actif de la société civile dans le domaine de la santé. Chroniqueur et écrivain.

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