jeudi 28 mars 2024
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Mon édito… par Myriam Belkadhi : Un pays en quête de réinvention…

La Tunisie n’arrive pas à relever la tête d’une immersion dans un océan de problèmes aussi nombreux que diversifiés.

Le passage d’un État autoritaire, oligarchique et mafieux à un Etat démocratique est un des exercices les plus durs et une véritable gageure à cause de l’absence de culture politique. Une presse bâillonnée pendant des décennies, des régions entières démunies de tout, un système éducatif complètement sclérosé… bref une population livrée à elle-même et dépourvue de connaissances. Seuls ceux qui avaient les moyens pouvaient se sortir un peu d’affaires et encore, parce qu’eux aussi participaient à l’existence et au maintien d’un état corrompu. Du plus petit agent municipal au plus haut sommet de l’Etat, tout le monde pouvait être acheté. Aucun secteur n’était épargné. Il fallait juste avoir les poches remplies d’espèces. Les passe-droits étaient légion.

À côté de ça , le régime de Ben Ali s’était quand même appuyé sur de vraies pointures en matière d’économie, de finances, de droit…En bon “autocrate” il a su ramener dans son cercle des gens qui pouvaient construire de belles choses pour le pays… Malheureusement, la loi du plus fort, du plus riche et du plus inculte était la plus forte. Tous ceux qui y avaient cru au départ ont très vite déchanté…

L’injustice a fini par pousser le peuple tunisien à réagir ! Quoiqu’en disent les nostalgiques de l’ancien régime, tous ceux qui ont perdu leurs privilèges, tous ceux qui ne réalisaient pas qu’il y avait une telle misère qui rongeait des millions de tunisiens, une telle injustice, une telle disparité entre les régions… le pays avait un réel besoin de mettre fin à une mafia qui gérait et gangrenait le pays, œuvrant dans l’impunité la plus totale.

Toutefois, dix ans après le départ de Ben Ali ..rien n’a changé. A cause de ce même système qui a mené le pays à sa dérive. Tous ceux qui combattaient le système sont en train de le reproduire et donc de le maintenir . Tous ceux qui voulaient se libérer du joug de l’oppresseur sont devenus les nouveaux oppresseurs en utilisant quasiment les mêmes moyens voire pire.

Sauf que là, il y a une donnée différente et bien installée et que les Tunisiens ne sont pas prêts d’abandonner: LA LIBERTÉ. “Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage.” disait Péricles. La liberté d’expression et d’opinion. La liberté de critiquer et de dénoncer. La liberté de dire son désaccord et son refus. La liberté, le plus grand de tous les biens!

Certes, le problème qui se pose actuellement c’est que les gens sont libres mais ils ne savent pas quoi faire de leur liberté! D’où les doutes et les questionnements en tous genres…

Aux côtés de cette liberté, il y a une société civile extrêmement active et vigilante; tous ces contre-pouvoirs qui sont les garants de cette démocratie en construction. Le chantier est particulièrement complexe et semé d’embûches. Mais il ne faut rien céder.

Et pour que la machine avance il y a deux points absolument incontournables:

    – Premier point : l’urgence de revoir le système politique qui est en totale inadéquation avec la réalité tunisienne. Et tant que nous serons dans ce système hybride et bancal, mi parlementaire mi présidentiel, rien ne pourra être réalisé. Absolument rien. Et nous en faisons l’expérience depuis 10 ans.
    – Deuxième point non moins important : la séparation du politique et du religieux. Tant qu’on utilise la religion pour atteindre le pouvoir, la situation ne pourra pas bouger d’un iota. Être un parti conservateur, oui ; ça existe dans les plus grandes démocraties ( les Républicains aux USA en sont un parfait exemple, tout comme en Grande Bretagne, ou en Allemagne où encore au Japon).Mais la religion appartient à la sphère personnelle qui ne doit en aucun cas interférer dans la gestion des affaires d’un pays. C’est même d’une banalité affligeante!

Voilà les deux premières conditions-nécessaires mais pas suffisantes- pour pouvoir faire bouger les choses. Sinon il est inutile de se faire des illusions et d’appeler au changement qui n’arrivera jamais.

Sortir des sentiers battus, réorganiser la Cité, proposer des programmes viables, réfléchir autrement, raisonner avec les transformations que vit le monde, voir les avancées qui se font ailleurs, suivre la géopolitique… Bref, se réinventer. Voilà de quoi a besoin la Tunisie.

Le pays grouille de compétences, d’intelligences, d’inventivité, d’idées révolutionnaires… Il n’est plus possible de le laisser sombrer sans qu’on puisse arrêter le désastre. Tout le monde sait où se situe le problème mais tout le monde attend l’Homme providentiel qui ne va pas venir. La donne a changé; aujourd’hui il faut raisonner en termes de nombre. Nous sommes à l’ère des réseaux sociaux et des smartphones. Donc c’est le groupe qui va choisir son leader.

Changer le système et se réinventer. Unissons toutes les forces modernistes, novatrices, créatrices, qui doivent construire ensemble ce socle commun sans lequel rien ne pourra être fait. Inventons ensemble le système qui nous ressemble. Les Américains n’avaient pas importé un système, au lendemain de leur indépendance, pour construire leur pays au XVIIIe siècle. Ils ont créé le leur. Didon avait bien construit Carthage avec une simple peau de vache . Mais c’est surtout grâce à son intelligence qu’elle a pu le faire.

Soyons les Didon et les Hannibal des temps modernes. Mais surtout croyons en nous et aimons notre chère Tunisie si malmenée depuis un long moment. Se lamenter sur son sort, s’insulter mutuellement ne mènera à rien. Il faut créer une vraie dynamique autour d’un seul objectif : mettre le pays sur la voie.

Réfléchir autrement. Et réinventer le pays qui n’attend que ça !

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