mardi 23 avril 2024
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Rendez l’Argent !

Par Zouhair BEN JEMAA

Il est vrai que notre pays pourra difficilement faire l’économie d’un traitement de choc. On peut redouter l’échec du gouvernement CHAHED, mais il n’est pas juste de le décréter par avance. Il est pourtant un sujet qui fait l’unanimité auprès de l’opinion, c’est celui de la corruption et de la malversation ! L’accumulation des incohérences, des mensonges même a fini par provoquer une coupure entre gouvernants et gouvernés, et rien n’est pire pour un État que de perdre la confiance de ses citoyens. On veut fermer le débat alors qu’il faudrait l’ouvrir. Certains hommes du pouvoir ont confondu ce qui est à eux et ce qui est à la communauté, et ils nous demandent d’être motus et bouche cousue ! Comment est-on arrivé à des injustices si flagrantes, à des déséquilibres si intolérables, à des  inégalités si insupportables ? A croire certains experts, des dirigeants seraient englués dans un bourbier de malversations, et ils ne pourraient pas s’en dépêtrer sans une loi qui viendrait les blanchir ? On dissimule, on réduit au silence, parfois on ment, c’est un vrai massacre démocratique pour ceux qui nous tambourinent à longueur de discours que nous sommes devenus un modèle de démocratie ! Notre parlement où tout est représenté sauf la conscience et l’âme de la Tunisie, attend les consignes des grands chefs des partis !

Qu’on en juge : est-il normal d’embaucher 100 000 fonctionnaires en catimini et sans respecter la procédure administrative, pour alourdir drastiquement le budget de l’État ? Est-il normal que 30 millions de dinars en devises s’évaporent à l’étranger sans que l’on fasse un audit à la banque centrale et sans que les parlementaires fassent un audit sur tous les mouvements de la banque centrale depuis 2011 ? Est-il normal qu’un député bénéficie de la manne de l’État pour éponger 60 millions de dinars d’une gestion douteuse sans une enquête sur l’activité de la société ? Est-il normal qu’une société étatique décide de distribuer, en pleine disette budgétaire, 4OO dinars à ses 12 000 employés ou plus pour l’achat d’un mouton, et pendant ce temps le gouvernement annonce seulement 40 dinars pour aider les nécessiteux à bien fêter l’Aïd ? Est-il normal que l’on gaspille des milliards pour créer l’IVD dont la présidente s’assoie sur la loi et sur les jugements des tribunaux ? Est-il normal que des gouvernements se succèdent sans que l’un d’eux n’ordonne un audit sur l’usage fait des crédits et dons octroyés à notre pays ? Est-il normal qu’un ancien chef de gouvernement annonce la veille de la passation de pouvoir que le terrorisme reprendra de plus belle, et que sa prédiction se réalise le jour même de la passation et les jours suivants?

La liste est longue, et les conséquences sont désastreuses : dévaluation des pensions des retraités, absence de soins à des malades sans couverture sociale, faillite des petites entreprises, difficultés aigües chez les agriculteurs, ce sont les couches moyennes qui souffrent le plus et qui sont les moins protégées ! Quant à la pauvreté, c’est dramatique et inhumain, qui n’a pas vu des femmes et des hommes fouiller dans les poubelles pour dénicher un bout de quelque chose à manger ? Ces misérables ne sont-ils pas des citoyens dignes et n’ont-ils pas des droits ? Toutes les énigmes ayant conduit à  ces massacres restent honteusement non élucidées ! N’est-il pas temps de faire de véritables enquêtes au lieu de faire semblant ? Jusque là, la Tunisie marche tête en bas, et les manœuvres tactiques y tiennent lieu de vision stratégique ! Qu’ont fait ces politiques à nos jeunes qui recèlent de potentialités inexplorées, et à qui on a bouché l’horizon ? Ces jeunes qui veulent se battre pour la justice et pour la transparence, n’ont ni haine ni rancune, mais ils sont épris de paix et d’espoir, faudrait-il savoir les mobiliser et les motiver en jouant la transparence ! Nous sommes devenus un pays sans confiance en l’avenir. On a certes besoin d’unité plutôt que des gens qui se tirent dans les pattes car nous appartenons tous à la communauté nationale, mais après avoir effectué un audit sur tout, après avoir dit la vérité sur tout, et après avoir demandé aux fauteurs de rendre l’argent. La loi de réconciliation concoctée par nos dirigeants donnera un mauvais signal, les responsables sont forcément comptables de leurs actes, sinon on donnerait raison à la fable de la Fontaine qui disait : « Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de la cour vous rendront blanc ou noir ».

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A propos de Zouhair BEN JEMAA

Expert en art culinaire et en hôtellerie. Actif de la société civile dans le domaine de la santé. Chroniqueur et écrivain.

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