vendredi 29 mars 2024
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Sauver le secteur public de la santé

Par Zouhair BEN JEMAA

Un appel de détresse de plusieurs associations avec à leur tête l’ATDDS, l’association tunisienne de défense du droit à la santé, a été lancé pour dire basta à l’aggravation des inégalités sociales et régionales de santé ! La Tunisie s’installe doucement mais sûrement dans le système à deux vitesses, faisant fi du droit constitutionnel à la santé. Le problème majeur, c’est que les gouvernements successifs depuis 2011, n’ont pas structuré une politique nationale de santé avec des objectifs clairs, et des moyens adéquats. Depuis le soulèvement, quatre ministres de quatre partis différents se sont succédés à la santé, et jamais il n’y a eu de continuité de l’Etat ! A chaque nouvelle nomination, on efface tout et on recommence, ce qui frustre aussi bien les professionnels que les citoyens. Comme pour tout secteur vital, une politique ne doit pas être l’affaire du seul ministre concerné, mais de tous les ministères qui touchent de près ou de loin le secteur en question, d’où la nécessité de définir une stratégie de santé au niveau de la présidence du gouvernement, à charge ensuite pour le ministre de  veiller à la bonne application de ce qui aura été décidé !

Le secteur public de la santé se noie dans le manque   d’équipements, le manque de personnel, la prolifération de la corruption, l’institutionnalisation de l’impunité, l’exode des meilleurs cadres et spécialistes, l’abus de l’APC… Cette situation a plombé les établissements sanitaires publics dans des déficits budgétaires croissants et inquiétants. Les fournisseurs impayés ne satisfont plus les demandes des services des achats, les médecins sont choqués par les manques de moyens et par la détresse des patients, bref, tous les feux sont au rouge ! Le secteur privé n’est pas épargné du malaise, lui aussi patauge dans la crise qui le frappe de plein fouet en raison du nombre croissant des cliniques et de la chute du nombre de patients étrangers, et notamment Libyens. Ajoutez à ce tohu-bohu, le plus grave et le plus menaçant, les conditions de la formation, surtout pratique, qui deviennent exécrables et par moment sous-développées !

L’image de la Tunisie modèle dans le domaine de la santé est bien lointaine, la formation des médecins est gangrénée par tant de manquements. Cette défaillance finira par toucher le secteur public, qui devrait penser, si rien n’était fait d’urgence, à embaucher des médecins étrangers pour assurer des soins de qualité ! Le dialogue sociétal pour un meilleur système de santé, a pourtant réussi à proposer des recommandations expertes à tous les niveaux. L’inclusion de toutes les régions et de tous les acteurs, professionnels et société civile, a permis de définir des stratégies réalistes et efficientes. Le moment est certainement idéal, pour que ce dialogue sociétal soit le cadre pratique pour réunir experts, professionnels et société civile, autour des axes définis par la feuille de route du comité technique de ce dialogue dans sa deuxième phase !

Tous les sages et tous les experts vous diront que nous n’avons point besoin de construire de nouveaux hôpitaux, ni d’acheter de nouveaux équipements. Les mêmes experts et l’ensemble des acteurs du secteur vous diront qu’il est urgent et prioritaire d’améliorer le mode de fonctionnement de l’existant. Nous avons urgemment besoin de qualité de soins, nos professionnels ont urgemment besoin d’avoir les moyens de leurs ambition, ce n’est qu’ainsi que nous pourrions libérer l’initiative et l’innovation. Aussi, un système de santé n’est pas bâti par sa tête, il faut, comme il a été largement discuté lors du dialogue sociétal, réhabiliter la première ligne pour assurer la proximité et la qualité des soins ! Nous devons capitaliser sur les centres existants, et les adapter aux besoins réels des patients, en horaire d’ouverture, en médicaments, en personnels médical et paramédical suffisant et motivé ! Posons-nous la question pourquoi l’hôpital de Medjez El Bab flambant neuf n’a toujours pas pu entrer en fonctionnement ? Voici la seule voie qui vaille pour sauver un secteur dont le pronostic vital est engagé, et pour redonner la dignité à une large frange de la population, que le système actuel vicié a laissée sur le bord du trottoir !

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