samedi 20 avril 2024
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10 Décembre 2018, le triste 70ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme

Par : Mohamed Hédi Chaker

Le 10 décembre 1948, Mr René Cassin, prix Nobel de la paix et principal rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, présentait à l’ONU ce texte signé au Palais de Chaillot à Paris ;  le musée de l’Homme avait, en effet, été fermé plusieurs mois pour pouvoir accueillir la troisième Assemblée Générale des Nations-Unies.

Pour commémorer son adoption, la Journée des droits de l’homme est célébrée, à travers le monde, le 10 décembre de chaque année.

C’est que ce document fondateur – traduit dans plus de 500 langues différentes – avait la vocation d’être, pour chacun d’entre nous, une source d’inspiration pour promouvoir, au quotidien, « l’exercice universel des droits de l’homme ».

Et pourtant… la promesse de ce texte fondateur est loin d’avoir été tenue.

Le 11 novembre dernier, lors du Forum sur la Paix de Paris, la Chancelière allemande, Mme Angela Merkel exprimait, avec une sincérité qui l’honore, ses doutes : «Serions-nous aujourd’hui capables, en tant qu’Assemblée des Nations, d’approuver comme en 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ? Je n’en suis pas si sûre… »

C’est que ce texte peine à s’imposer ; face à la toute-puissance des Etats, jaloux de leur souveraineté,  il échoue à être considéré comme « le socle des valeurs communes de l’humanité ». Pire, il est souvent contourné voire ignoré, et même combattu au nom d’une certaine négation de l’universalité.

La gestation de ce texte fut elle-même difficile ; des divisions sont apparues dès l’origine en 1948. Sur les 58 membres des Nations Unies de l’époque, seuls 50 États ont voté l’adoption de la Déclaration : en effet, l’Afrique du Sud a refusé de reconnaitre l’égalité de tous les humains, l’Arabie Saoudite, quant à elle, s’est opposée à l’égalité hommes-femmes, et l’Union soviétique et ses alliés ont refusé la définition de l’universalité…

Et ces clivages existent toujours ; ainsi la Chine a récemment répondu aux critiques sur le traitement de la minorité Ouïgour en déclarant que les droits de l’homme sont une invention occidentale ! Une partie du monde islamique continue de placer les lois issues de la Chaarîa au-dessus des valeurs universelles !! Et les États-Unis viennent de se retirer du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, tout comme ils refusent de reconnaître la Cour Pénale Internationale au nom de la souveraineté !!! On le voit encore avec le Pacte sur les migrations qui doit être signé aujourd’hui à Marrakech, et qui se place dans l’esprit de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme, sur la libre circulation des personnes ; il est très vivement attaqué par les nationalistes européens à telle enseigne qu’il vient de faire exploser la coalition gouvernementale en Belgique !!!! La France, elle-même, qui aime à se proclamer « patrie des droits de l’homme », mais dont la réalité sociale est parfois tout autre ; pour preuve, ce sentiment d’inégalité qui est au cœur du mouvement des gilets jaunes.

Dans ce cadre, comment s’étonner que 70 ans après, la défense des droits fondamentaux demeure, encore et toujours, à la fois une nécessité et une urgence.

Un peu partout en Europe, des élections démocratiques ont porté au pouvoir des régimes populistes dont les programmes de gouvernement constituent une véritable atteinte aux droits de l’homme ; et malgré cela, ils ont été largement élus.

D’autre part, et de manière très concrète, ce sont les libertés publiques qui sont bafouées un peu partout à travers le monde ; et les exemples sont malheureusement nombreux ; ainsi, la société civile et les associations n’ont de cesse de dénoncer les arrestations arbitraires de journalistes, leur assassinat dans des conditions effroyables quelquefois, les persécutions et les attentats contre les communautés religieuses minoritaires ou encore le traitement inhumain et dégradant que subissent certains individus pour leur différence sexuelle…

Enfin, que dire des crises migratoires qui ont fait de notre belle Méditerranée un grand cimetière pour la jeunesse africaine ? Et de la frontière entre le Mexique et les Etats Unis, un mur d’incompréhension sur lequel vient régulièrement se fracasser l’espoir de la jeunesse sud-américaine ? En contradiction totale avec les principes énoncés dans la Déclaration des Droits de l’Homme, les pays riches font preuve d’une totale absence de responsabilité, de vision humaniste et de volonté politique pour accueillir et gérer les flux de réfugiés ; quant aux instances relevant de l’ONU, leurs impuissance et leurs faiblesses mettent en danger jusqu’à leur utilité ;  la situation précaire dans laquelle se trouvent une grande partie des 21 millions de réfugiés à travers le monde est une insulte lancée à la face des « grands » de ce monde.

Finalement, force est de constater que cette déclaration ne constitue qu’un idéal vers lequel il faut tendre, mais qui s’avère plus difficile que prévu à réaliser…au grand désespoir des peuples qui en sont encore privés.

Ce 70ème anniversaire aurait dû être l’occasion du renouvellement d’un engagement planétaire et sans réserve sur la voie des droits humains. Finalement il ne sera fêté qu’à minima par des Etats tournés vers leurs égoïsmes et des instances internationales caractérisées par leurs faiblesses.

Triste époque…

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